LA VISIO, pourquoi ça nous épuise ?

Animer une réunion en remote semble demander plus d’énergie que le présentiel

Le ressenti exprimé par beaucoup est celui d’être un peu « vidés » à la fin des journées ou des sessions consacrées à animer de ce type de formats. C’est vrai aussi pour les participants, mais dans une moindre mesure, car ils sont plus en “réception” que l’animateur.

Bien sûr, pour bien faciliter une réunion ou un atelier, peu importe par quel moyen, la mobilisation nécessaire est forte

Pour l’animateur, il faut être présent à 200%, donner de son énergie pour dynamiser l’ambiance, la rendre chaleureuse, ludique et constructive. En même temps, il faut être attentif au groupe, veiller à embarquer tout le monde et à permettre à chaque participant de se sentir bien et de contribuer. Enfin, il faut guider avec souplesse le groupe dans les différentes étapes de travail, en l’aidant à atteindre les objectifs assignés.

Mais pourquoi animer en remote devrait-il être plus exigeant ou complexe ?

La nouveauté du format ? Cela peut jouer mais seulement en phase d’apprentissage

Pour beaucoup de facilitateurs, animer des réunions ou ateliers en remote est une pratique assez nouvelle. Il est donc logique qu’il soit plus difficile de gérer un format que l’on ne maîtrise pas encore très bien. Mais en même temps, il y a un réel plaisir et une stimulation à découvrir et expérimenter de nouvelles choses. Pour résoudre cette difficulté, il faut donc s’exercer, et s’exercer encore !

La gestion de la technique ? C’est à l’évidence un poids additionnel important pour le facilitateur

Enremote, l’animateur doit être attentif à plus d’aspects organisationnels qu’en présentiel car la gestion technique vient s’ajouter au reste des éléments auxquels il doit veiller.

Et c’est encore amplifié si les manipulations nécessaires pour les besoins du travail à réaliser sont complexes (gestion des problèmes de connexion ou d’utilisation des participants, recours à des outils différents en cours de session, constitution de sous-groupes en visio, etc). Une solution efficace pour alléger cette contrainte est de faciliter à deux, pour répartir la charge entre l’animation et la techno.

L’ergonomie et la nature des outils utilisés ? Cet élément a un impact très important sur la charge mentale du facilitateur

Pour ce dernier, être aux aguets des réactions de son groupe via un affichage de vidéos en galerie, nécessite un effort d’attention conséquent.

Les études scientifiques en neurosciences et en ergonomie ont mis en lumière que le regard de l’utilisateur devant son écran se concentrait sur un point précis. C’est ce qu’on appelle la “vision centrale”. On ne peut donc regarder, avec une réelle attention, qu’un endroit de l’écran à la fois (soit la vignette d’un seul participant). Vouloir capter plus largement les réactions de l’ensemble des participants n’est donc pas possible car on touche aux limites cognitives de notre cerveau.

De plus, le niveau d’attention nécessaire pour le facilitateur se renforce encore quand il faut, en plus de la vidéo, être attentif aux messages postés dans le chat, voire à un autre outil comme Mural partagé en parallèle, tout en enchaînant les différentes phases de travail, les consignes et les interactions nécessaires avec les participants.

S’il n’y prend pas garde, pendant l’atelier, l’animateur peut se retrouver dans une posture continuelle “d’attention partielle”, morcelée entre différentes tâches conjointes, ce qui est très exigeant.

C’est donc un objectif important pour le facilitateur que d’apprendre à bien gérer son énergie, sa démarche et son attention dans cet environnement spécifique, en s’efforçant autant que possible de “faire simple” et de se ménager des plages de repos.

La connexion aux autres ? Un enjeu central complexe à bien ajuster en remote

L’échange par écran impose une distance. Il est plus difficile de “sentir” l’énergie du groupe et son état d’esprit que lorsque l’on est parmi ses participants, réunis dans un même lieu. Certes, on peut voir les visages et leur expression, mais de quelques participants à la fois seulement. On peut aussi les entendre, mais uniquement quand leur micro est allumé et qu’ils s’expriment.

En revanche, il manque tous les “signaux passifs” qui nous permettent habituellement de décoder intuitivement la dynamique d’une équipe : posture du corps, gestes, mobilité, intensité du bruit, rires, placement des uns par rapport aux autres, etc.

Pour se connecter à l’énergie du groupe online, la stratégie naturelle est du coup de se concentrer encore plus sur les mots. Cela implique pour le facilitateur un surcroît d’attention dédié à un seul mode d’expression — les échanges verbaux — avec le risque de n’avoir qu’une compréhension partielle de l’état d’esprit ou des attentes du groupe, car l’interprétation du langage verbal peut facilement être biaisée.

De plus, en visioconférence, il y a aussi la problématique du “regard indirect”. Si l’on peut voir les visages et leur expression, l’échange de regard est plus limité. En effet, pour donner l’impression à son interlocuteur qu’on le regarde dans les yeux, il faut regarder sa caméra. Cela conduit à ne pas regarder soi-même la vidéo de la personne avec qui l’on échange. Or via les sciences cognitives, on sait que c’est la synchronicité du regard qui accroît fortement l’engagement avec l’autre.

Toutefois, sur la question de la connexion à l’énergie du groupe en remote, les avis et les expériences vécues par les facilitateurs de la communauté sont très divers.

Certains ont ressenti une difficulté à percevoir l’état d’esprit de leurs participants en cours de session online, avec l’impression de s’adresser à un “mur”. D’autres ont vécu des expériences très positives, où le fait d’être pris dans une dynamique collective avec de nombreuses personnes réagissant et participant en temps réel autour de centres d’intérêt communs, et ce malgré l’éloignement géographique, permettait de créer une expérience de travail très efficace, constructive, conviviale et énergisante.

Qu’est-ce qui a fait la différence ? A ce stade, certains points communs dans les expériences positives émergent : une posture de plus grand lâcher prise et de souplesse de la part du facilitateur, un choix pertinent des choses importantes à cadrer et de celles à laisser aller naturellement, et surtout l’instauration d’une relation de confiance avec les participants associée à une plus grande délégation des responsabilités au groupe.

La gestion du temps ? Un paramètre pas toujours simple à intégrer

Souvent, les exercices ou phases de travail prennent plus de temps en remote qu’en présentiel, mais ils peuvent aussi être rendus plus aisés et rapides, par exemple grâce à certains outils collaboratifs online (Mural, Miro, etc).

Il y a davantage de temps de latence ou de silences qu’en présentiel (pour gérer la technique, en raison de la connexion, etc), qu’il faut apprendre à gérer.

Par ailleurs, le facilitateur doit aussi prendre en compte le temps d’attention online de ses participants qui peut parfois être moindre qu’en présentiel, ainsi que le fait qu’ils peuvent être dérangés ou déconcentrés par des éléments extérieurs (cadre du domicile, mail, téléphone, etc ).

A l’inverse, l’une des opportunités en online est de pouvoir travailler en mode asynchrone, chacun des participants pouvant ainsi réfléchir et contribuer à son rythme, au moment le plus adapté pour lui, ce qui ouvre de nombreuses possibilités intéressantes.

On le comprend bien au travers de tous ces éléments, la gestion du temps online est quelque chose de spécifique que le facilitateur doit aussi piloter en finesse, en préparant en détail ses sessions en amont, pour pouvoir ensuite s’adapter de façon souple.

Dès lors, quels conseils donner à un animateur pour améliorer le confort et la fluidité de ses réunions en remote et pour bien doser son énergie ?

  • Ne pas transposer à l’identique ses méthodes de travail du présentiel vers le remote.
  • Mais au contraire renouveler son approche et accompagner la dynamique collective en apprenant à maîtriser 4 paramètres essentiels : la gestion technique, les biais et limites cognitifs, la connexion au groupe et la temporalité propres au online.